Souvenirs douloureux – témoignage de Marguerite Bourdenet

Mme Marguerite Bourdenet (à gauche) accompagnée par sa fille (à droite) lors de la commémoration de la libération de 2014.

Retranscription

Souvenirs douloureux

Chaque année, à pareille époque, Marguerite Bourdenet, épouse Laurent en 1944, revit oppressée les événements de la Libération de Baume-les-Dames, au cours desquels, Camille, son mari, âgé de 27 ans (elle en avait 24), a été fusillé par les Allemands. Si le temps est passé, la blessure est toujours vive et les images reviennent figées à jamais.

Marguerite Bourdenet se trouve être aujourd’hui la seule épouse d’un résistant fusillé à pouvoir raconter comment elle a vécu les jours de la Libération.

En 1942, déjà, elle avait dû vivre des moments tragiques car Camille, son mari qui travaillait au garage Regad avait été arrêté. C’était le 20 novembre 1943. 7h30 le matin du 20, on frappe à la porte, Marguerite qui était enceinte de 5 mois se trouve face à des Allemands. L’un d’eux lui place le fusil sur le ventre et demande où est Camille Laurent pour vérification.

Elle ne reverra Camille que le 4 février 1944. Pendant ce laps de temps, il fut emprisonné à Besançon. Claude, son fils aura la patience d’attendre son père puisqu’il naîtra le 7 février 1944.

Les Allemands cherchaient des armes. Marguerite les laissa tout fouiller mais elle avait oublié que Camille cachait un vieux revolver qu’heureusement les Allemands ne trouvèrent pas. Ils reviendront l’après-midi prendre le poste de TSP.

Le mardi 8 septembre au matin, Cour avait été libéré par les FFI et les gens tout heureux se regroupaient vers le nord-point. Mais tout l’après-midi les coups de feu ont éclaté, et il fallu se réfugier dans les caves visibles du quartier de Cour. Marguerite prit la charrette, du lait et quelques habits, les deux enfants dont le bébé de 7 mois et se cacha dans la cave de M. Jacquet. Elle y resta du mardi 6 au samedi 5, il plut toute la semaine. Marguerite récupérait l’eau de pluie pour laver les langes du bébé. Une dizaine de personnes se trouvait là et il en était ainsi dans toutes les autres caves du quartier.

Quand le bombardement débuta, les FFI se replièrent à Croyot vers les grottes. Certains pourront traverser la Doubs en barque sans pouvoir revenir chercher les autres tant la Doubs était fort.

Camille Laurent était parti et Marguerite ne savait pas où il était. Il était en compagnie de MM. Periard, Grammont, Renaud, Charrière, Mairot. Tous furent exécutés. Le samedi 9 au matin, on tape à la cave et l’on entend une voix américaine, M. Jacquet ouvre. Baume était libéré.

Apprenant la mort de M. Lecuyer, plusieurs personnes dont Marguerite se rendirent à l’église. Là une dame lui dit « ma pauvre Marguerite » et rien d’autre. Mais ce n’est qu’en descendant la rue qu’elle apprit par son frère Camille Taillard (père du conseiller municipal) la triste nouvelle.

Les morts de la libération, plus de trente, reposaient à la caserne Biesse. On expliquera à Marguerite que Camille fut arrêté avec ses cinq camarades à Croyot, le 6 septembre au matin, mené au tribunal place de la Loi et en début d’après-midi, fusillé avec ses camarades vers l’Escalier Vermoret (en haut de la rue d’Anroz).

Toutes les victimes seront inhumées le 12 septembre 1944, Marguerite évoque ces tragiques événements avec une sérénité exceptionnelle: «Camille était résistant. Nous n’avions rien, nous n’étions que des ouvriers, mais nous ne pouvons accepter d’être sous le joug d’un ennemi. » Bien qu’affligée, Marguerite sera présente aux 60e anniversaire de la Libération, pour les petits enfants, précise-t-elle.